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VE- Enjeux - Théâtre

Nombreux sont les bénéfices à retirer de l’intégration de la pratique théâtrale en classe de FLE/S, qui convergent tous vers la diversification et l’enrichissement de l’enseignement-apprentissage. Dans une optique de décloisonnement des frontières disciplinaires, cette capsule didactique s’attache ainsi à faire ressortir l’intérêt de recourir au théâtre pour vivre et faire vivre le Québecet plus largement, la francophonie.

• Former des locuteurs francophones créatifs

L’exploitation théâtrale de contes et de légendes du Québec invite les apprenants de FLE/S à naviguer entre la réception de récits ambulants et la théâtralisation de ces derniers. Cette démarche réunissant compréhension/interprétation de textes produits par d’autres et création artistique favorise certainement le développement d’une identité francophone : les apprenants deviennent à la fois co-auteurs et co-acteurs du patrimoine littéraire de l’univers culturel cible ; ils contribuent ainsi à sa vitalité et à sa transmission.

Le fait d’adapter pour le théâtre des contes et légendes qui entrent dans la classe sur des supports divers, - écrits, oraux ou encore multimodaux-, concourt à la construction d’un imaginaire collectif empreint de métissage culturel sur la base d’un dialogue entre univers de référence et univers cible(s). Le pouvoir évocateur des mots s’actualise alors dans les choix de mise en scène : les langages visuel et sonore conjugués permettent de saisir les récits fictionnels dans leur complexité et d’en restituer une représentation de l’action, des personnages, du lieu et du temps.

S’agissant d’un spectacle inscrit dans un projet éducatif à visée interculturelle, la prise en compte du public dans le processus d’enseignement-apprentissage constitue un enjeu de taille. La confrontation des perspectives de production (artistes) et de réception-interprétation du message (spectateurs), - ou de co-production, pour reprendre les termes d’A. Ubersfeld (1996b) -, permet en effet aux apprenants-acteurs-metteurs en scène de savoir jusqu’à quel point l’auditoire a pu comprendre et accepter l’étrangéité de l’univers fantastique québécois représenté. Des interactions « post-représentation » restent un bon moyen de faire la lumière sur certains implicites culturels et de valider ou d’invalider ainsi les hypothèses du public sur sa lecture du conflit. Ce faisant, acteurs comme spectateurs sont amenés à placer l’interculturel au cœur de leurs réflexions.

 

• Rassembler les différents « je » en jeu dans le jeu théâtral

Parce que le projet théâtral s’inscrit dans un parcours de formation linguistico-culturelle, l’identité des personnes impliquées se décline au pluriel. Si le rôle de guide linguistique incombe sans doute principalement à l’enseignant, les divers rôles en lien avec la création artistique peuvent être assumés indifféremment par le formateur ou les apprenants, selon les modalités d’organisation du travail collaboratif retenues, selon les sensibilités et les compétences de chacun.

Les « JE sujets » réunis interfèrent ainsi avec les « JE apprenant » ou « JE enseignant », avec les « JE acteurs » et les « JE metteurs en scène ». Les inter/rétroactions entre ces différents « JE » en jeu fonctionnent selon le principe des vases communicants, c’est pourquoi les répercussions d’un tel dialogue à la fois interne et externe sont considérables et sans doute à exploiter pleinement en classe de langue. Elles permettent en effet d’éveiller ou de révéler le potentiel parfois inexprimé du « JE sujet » via les autres « JE ». Par exemple, une personne timide peut tout à fait se désinhiber sur scène, dans la peau de son personnage, et tirer profit de cette expérience pour poursuivre le processus de connaissance et d’affirmation de soi hors-scène. De même, apprenants comme enseignant peuvent transférer la créativité développée durant la collaboration artistique à d’autres expériences d’enseignement-apprentissage et plus largement, à d’autres domaines d’activité sociale ou professionnelle.

 

• Réintégrer le corps dans le processus d’enseignement-apprentissage

Dans les situations de communication en face à face, les éléments linguistiques cohabitent pleinement avec les éléments paralinguistiques et non verbaux ; ils peuvent même être totalement absents ou réduits à minima et s’effacer au profit des deniers. Au théâtre, le non verbal est particulièrement important, le corps étant le terrain de jeu de prédilection de l’acteur, le langage corporel restant le canal privilégié pour transmettre des messages aux autres acteurs et au public. De fait, le corps est à la fois objet et vecteur d’apprentissage.

Pour donner vie aux personnages et animer l’espace dramatique, les comédiens recherchent les positions, les déplacements, les postures, les gestes, les mimiques et les regards les plus à-mêmes de traduire visuellement le lieu et le temps de l’action, la psychologie d’un personnage ou encore les relations entre les différents protagonistes et partenaires évoluant sur scène.

En classe de FLE/S, l’enjeu consiste alors à faire que les apprenants tirent profit de cette approche globale de la langue et de la culture pour exploiter au mieux la gestualité communicative. Cela implique de travailler à partir de l’image du corps en mettant en exergue la manière dont est susceptible de s’actualiser la communication non verbale aussi bien dans la culture de référence que dans la culture cible. Des actions aussi simples et naturelles que manger ou marcher peuvent devenir sources de questionnements et faire l’objet d’un véritable (ré)apprentissage lors du travail de la préparation de l’acteur, a fortiori lorsqu’il s’agit de mimer l’Autre. Par exemple, il ne va pas de soi, pour des apprenants mexicains, de déguster de la tire d’érable, ou tout simplement de marcher dans des conditions de poudrerie…