Pratiques extrascolaires à la rescousse
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Cet article interroge la place du jeu vidéo dans le cours de littérature en France à partir d’un corpus constitué de programmes officiels, de publications pédagogiques des réseaux Scérén et Canopé (sous la tutelle du ministère français de l’Éducation nationale [MEN]) et du portail national d’informations et de ressources du MEN. Il révèle la très faible présence du jeu vidéo et du jeu sérieux non seulement en littérature, mais plus généralement dans la discipline du français. Nous émettons l’hypothèse que cette faible présence s’explique, en partie, par l’histoire de la discipline et plus généralement par le rapport que l’institution scolaire entretient avec la culture de masse dont relève le jeu vidéo. Le processus de scolarisation des jeux vidéo est en effet similaire à celui de la littérature, du cinéma, de la télévision. Il génère des pratiques scolaires qui privilégient la mise à distance et non l’immersion dans la fiction. La radicale nouveauté du jeu vidéo n’est pas prise en compte, mais ramenée à du connu, à travers des pratiques mettant à distance la fiction, l’image, le jeu.
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La littérature en ligne brouille constamment ses propres frontières. Les contours du carnet de bord, du coup de cœur ou de l’autofiction sont poreux, mais on repère aisément sur Internet des journaux de lecteurs filmés autoproduits. Parallèlement à la vogue du BookTube, canal de promotion du livre motivé par la grande diffusion et le savoir-faire médiatique d’une communauté internationale d’auteurs de vidéos sur YouTube, la vidéo expérimentale de lecteur, que Bonnet qualifie de « littéraTube », tient de l’autoportrait, de la lecture actualisante (Citton, 2007) et de l’interlecture (Bellemin-Noël, 2001). L’analyse qualitative d’un échantillon de vidéos montre comment la lecture s’y scénarise, se fait récit et reconfigure l’énonciation. Incités à produire une vidéo de lecteur, des étudiants de lettres nous fournissent un corpus qui nous permet de nous demander comment la vidéo employée comme expression d’une réception reflète et infléchit l’activité du lecteur. Dès lors, quelle spécificité littéraire peut-on reconnaître à ces productions ?
Cet article se propose de contribuer à l’interrogation sur les genres littéraires numériques et à la réflexion sur les enjeux didactiques de la transposition scolaire de l’un d’entre eux.
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Le book trailer ou bande-annonce littéraire est un outil publicitaire conçu sur le modèle des bandes-annonces cinématographiques : une brève séquence filmée visant à annoncer et promouvoir un livre. Des enseignants se sont emparés des bandes-annonces littéraires et les ont intégrées aux dispositifs didactiques d’enseignement de la littérature, au service d’objectifs d’enseignement-apprentissage variés. Nous proposons d’examiner ce qu’il advient des textes et des œuvres lus dans les book trailers. Nous formulons l’hypothèse que l’objet détermine en partie la manière dont les élèves y représentent les œuvres littéraires, en raison de sa nature multimodale et numérique résultant d’un processus de transposition intermédiatique, en raison également de son format et de ses fonctions promotionnelles premières. L’analyse des données collectées dans deux classes de lycée en France révèle que les bandes-annonces littéraires entraînent une reconfiguration des textes, qui opère au niveau registral et générique, et oriente leur appropriation et l’expression de cette appropriation vers le spectaculaire.