Nathalie Lacelle, Ph.D., professeure à l’UQÀM
Jean-François Boutin, Ph.D., professeur à l’UQ - Lévis (UQAR)
R2-LMM - Vol.1. JANVIER 2015
La Revue de Recherches en LMM se veut un lieu de rassemblement des voix de toutes les disciplines qui s’intéressent à la multimodalité : l’éducation, la didactique, la linguistique, la sémiotique, l’éducation aux médias, les communications, les arts visuels et médiatiques, la littérature, le théâtre, le cinéma, la musique, l’univers social, les sciences de l’information, les technologies éducatives.
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International Standard Serial Number
ISSN 2368-9242
Vers une didactique de la multilecture et de la multiécriture littéraire
Titre: Revue de recherches en littératie médiatique multimodale
Lieu de publication: Montréal
Éditeur: Groupe de recherche en littératie médiatique multimodale
Date: janvier 2015
Périodicité: bi-annuel
Numéro ISSN: 2368-9242
Vous pouvez consulter les articles publiés dans ce numéro à partir des thèmes suivants :
- Culture et littérature à l’ère numérique
- Rapport texte/image
- Dispositif didactique multimodaux (musique, BD, chanson)
- Univers transmédiatiques
- Lecture et spectature
- Littérature et technologie
- Multimodalité et interdisciplinarité
Vol. 1 | 2015 (janvier)
Outil de communication synchrone à base textuelle, le tchat est une pratique sociale établie chez les adolescents : il obéit à des codes distincts de ceux de la conversation (Branca-Rosoff, 2007 ; Pierozak, 2003 ; Filatova, 2006), avec laquelle il partage toutefois certaines caractéristiques (immédiateté, spontanéité…). Par ailleurs, le tchat partage avec l’écriture dramatique la contemporanéité de son propos, sa forme dialogique notamment, même si leurs codes linguistiques et culturels divergent. Si l’hétérogénéité du médium joue un rôle dans le rapport du scripteur à son texte mais aussi dans la linéarisation textuelle (Plane, 2000), l’outil tchat, parce qu’il partage avec l’oral et l’écrit des propriétés de textualisation, semble constituer une passerelle intéressante entre la conversation et le texte dramatique contemporain.
À partir de ces postulats, un dispositif d’écriture littéraire dramatique est proposé en classe de quatrième, dans lequel l’historique du tchat constitue le matériau hétérogène et mobile de la réécriture. L’analyse des discours successifs produits par les élèves (Fabre-Cols, 2002 ; 2004) permet de penser le tchat comme une passerelle multimodale, entre production d’un genre premier (conversation) et d’un genre second (écriture littéraire), suscitant des compétences textuelles nouvelles (Lebrun, Lacelle & Boutin, 2012 ; Fatrez & De Smedt, 2012) et interrogeant le rapport à l’œuvre littéraire et le processus de construction du sens.
Cet article vise à établir que la lecture est une activité fondamentalement multimodale en ce qu’elle mobilise des représentations imaginaires qui, par nature, revêtent une dimension à la fois conceptuelle et sensorielle. Aussi, contrairement à ce qu’ont pu avancer des théoriciens comme Iser, lire consiste à construire du sens en activant, indirectement, les sens. L’analyse d’une transmédiatisation sur support numérique du poème L’Horloge de Baudelaire est l’occasion d’examiner les nouvelles formes de lecture induites par le passage de la page à l’écran.
Les Fables de Jean de La Fontaine, au programme de l’école depuis 2004, posent un défi considérable aux enseignants du cycle des approfondissements, tant la compréhension de cette œuvre littéraire patrimoniale s’avère ardue pour les élèves. Or, le dispositif didactique de lecture-spectature peut constituer une voie/voix pour lever ces difficultés en faisant interagir lecture littéraire et lectures filmiques.
Dans une classe de cours moyen, deux adaptations visuelles sont convoquées pour construire la compréhension des deux fables « La Cigale et la Fourmi » et « Le Corbeau et le Renard » : le film du spectacle théâtral de Robert Wilson et des dessins animés. La séquence didactique conçue et mise en œuvre vise à faire lire successivement et systémiquement ces fables sous la forme de trois supports différenciés, imprimés traditionnel puis visuels, invitant l’élève lecteur-spectateur à convoquer, interpréter, reconfigurer ses propres lectures dans un mouvement dynamique. Des phases d’interactions langagières au sein de la classe, instituée communauté discursive disciplinaire, permettent d’entendre dialoguer et se confronter ces lectures d’élèves parfois diverses, souvent proches, toujours renouvelées. Pour la très grande majorité des élèves de la classe, de nouveaux savoirs se construisent grâce à la multilecture.
Notre communication concerne la lecture littéraire en classe de seconde au lycée et s’ancre dans le constat d’un rapportproblématique des élèves à la lecture littéraire et aux œuvres patrimoniales. Dans le cadre d’une recherche exploratoire, nous avons fait le choix d’associer et de conjuguer l’actualisation (Citton, 2007) des textes selon une approche multimodale et des activités régulières mettant en jeu le sujet lecteur et avons fait aboutir notre démarche sur la production d’un texte de lecteur (Mazauric, Fourtanier et Langlade, 2011) multimodal. Dans le cadre d’un enseignement ordinaire (une séquence de lecture en seconde consacrée à l’étude de Tartuffe en œuvre intégrale), comment la production d’une écriture de commentaire sous forme multimodale est-elle susceptible de manifester certaines compétences de lecture littéraire ?
Dans cette perspective, nous avons convoqué la notion de lecture littéraire (Dufays, Gemenne et Ledur, 2009) et avons émis l’hypothèse que l’introduction à l’école des pratiques sociales de référence des élèves dominées par la multimodalité (Donnat, 2008 ; Lebrun, Lacelle et Boutin, 2012) serait susceptible de favoriser le rapport à la lecture littéraire et aux œuvres patrimoniales. Les premiers résultats semblent confirmer cette hypothèse et ouvrent des pistes sur la question du sujet de lecture spectature (Lacelle, 2009).
Parce qu’elle allie texte, son et image, la chanson, genre multimodal par excellence, se prête idéalement à une étude intersémiotique en classe de français. Pour permettre aux enseignants d’aller dans ce sens, un dispositif intéressant consiste à envisager successivement les trois strates à propos d’une même chanson. Le texte d’abord : les élèves sont invités à y repérer tour à tour (a) la prosodie, le rythme, les refrains, (b) les sons, les rimes, (c) les registres de langue, (d) le ton, le mode d’énonciation, (e) les actes de langage, (f) la structure narrative interne, (g) la relation externe qui est établie avec l’auditeur virtuel. La bande son ensuite : il s’agit ici d’étudier (a) l’instrumentation, (b) la voix, et (c) la scansion du texte. Le clip vidéo enfin, c’est-à-dire (a) la diégèse, l’histoire racontée par le clip, (b) les procédés de la narration visuelle, et (c) les rapports qui relient ces deux niveaux. Au départ d’un exemple utilisé comme fil rouge (une chanson de Maurane), cet article montre que cette démarche permet aux élèves de considérer chaque strate pour elle-même – tant en réception qu’en production –, sans être parasités par des éléments relevant des autres strates.
Cette communication se propose de présenter diverses modalités de lecture de deux pièces canoniques du répertoire théâtral, mais aussi des programmes scolaires français, L'Avare de Molière (souvent étudié au collège) et Ruy Blas de Victor Hugo (plutôt au lycée) par le truchement de deux adaptations du plasticien J.-P. Lihou en bande dessinée.
Au-delà de l'étude conjointe de ces œuvres littéraires et de leur transposition en bande dessinée permettant de comparer les modes d'expression respectifs de ces deux formes artistiques et les spécificités de chaque système narratif, je me demanderai si la bande dessinée à elle seule ne constitue pas une œuvre « spectaculaire » à part entière, texte et représentation étant doublement assumés par le dessin et la mise en page.
Le Plan d’études romand, qui concerne l’école obligatoire et qui est entré en vigueur dans les cantons de Suisse francophone en 2011, insiste davantage que les plans d’études antérieurs sur la lecture de textes latins, que ce soit en langue originale ou en traduction, et sur le recours aux médias, images et technologies de l’information et de la communication (MITIC).
La rencontre avec la littérature latine se trouve grandement facilitée par les MITIC. De fait, en mettant à disposition des élèves tant des aides lexicales et morphologiques que des adaptations de textes latins dans d’autres formes d’expression plus familières tels que films, bandes audios, bandes dessinées ou œuvres d’art, ou encore en leur permettant d’en créer, les MITIC rapprochent les textes latins des élèves, favorisant leur compréhension générale et leur contextualisation.
Outre quelques réflexions théoriques, cette contribution se propose essentiellement de présenter quelques sites et portails liés à l’Antiquité, tout comme de montrer quelques dispositifs didactiques alliant l’étude conjointe de textes latins et de films, de bandes audios, de bandes dessinées et d’œuvres d’art constituant des adaptations desdits textes.
Les élèves contemporains rencontrent de plus en plus de difficultés à lire. Ils délaissent souvent cette activité au profit d’autres plus ludiques. Il est désormais plus fréquent de les voir avec des écouteurs sur les oreilles lorsqu’ils attendent quelque part qu’avec un livre. Pourtant, musique et littérature sont deux arts qui ont connu des liens tout au long de l’histoire. Ces liens sont le reflet d’un matériau commun, qui est la voix. Or nous constatons que cette voix est porteuse d’un message qui semble mieux passer à travers la musique pour la jeunesse actuelle. C’est pourquoi nous avons imaginé une approche où la musique serait un levier pour aider les élèves à construire différentes compétences de lecteur. Pour construire cette expérience, nous nous appuierons sur l’adaptation en disque du roman Black Bazar d’Alain Mabanckou. Ce travail consiste à lire et étudier la voix de la musique et à la comparer à la lecture d’extraits du roman. Les élèves seront amenés à prêter une attention particulière au texte entendu, puis à s’inscrire dans une démarche d’analyse quant à la lecture des textes (les chansons et les extraits de roman). Enfin, nous essaierons de comprendre comment cette double lecture enrichit les sensibilités littéraire et musicale.
Nous sommes envahis non seulement par les médias électroniques de toutes sortes, mais également par un discours pédagogique enjoignant les enseignants à revisiter leur pédagogie de façon à en tenir compte. Cet article se présente comme une réflexion préliminaire à l'adoption des modalités d’un tel changement de paradigme, plus spécialement dans les études littéraires, où a cours la notion de « classique», avec ce qu’elle suppose d’adhésion aux valeurs de beauté et d’universalisme, de tradition héritée du passé. Le propos est divisé en cinq sections. Après une interrogation sur le sens des nouvelles humanités issues du numérique suivent deux développements très liés, l'un portant sur les mutations de la lecture en fonction des nouveaux supports textuels et l'autre, sur l'appréciation du texte littéraire à l'heure de la lecture à l'écran. Les deux dernières sections, elles aussi dans le prolongement l'une de l'autre, abordent les pratiques informelles des jeunes à l'ère du numérique et comment l'école a commencé à en tenir compte.
Les albums documentaires font partie du secteur éditorial de la littérature de jeunesse. Très peu d’études leur sont aujourd’hui consacrées, alors même que les collections évoluent en même temps que les savoirs et la médiation livresque entre ces derniers et le jeune lecteur. Ouvrages multimodaux, composites (Bautier, Crinon, Delarue-Breton et Marin 2012), se différenciant parfois peu de la production fictionnelle, ils nécessitent des compétences de lecture liées à leur particularité plurisémiotique (ils peuvent mêler textes, photos, images, schémas…). L’article qui suit s’appuie sur la comparaison de deux doubles pages d’albums documentaires pour préciser, dans une perspective à la fois sémiotique et cognitive, la façon dont se joue la complémentarité du texte et de l’image dans la construction de l’information par le lecteur, tant au niveau global de l’organisation de la double page (entre titre, éléments textuels et iconiques) qu’à un niveau plus local (traitement du rapport générique/particulier, degré d’intersection variable entre texte et image, complémentarité texte/image dans l’informativité).
La lecture des élèves en difficulté est ici étudiée sous deux aspects. Une enquête menée sur trois ans auprès de deux classes de lycées professionnels bretons donne accès aux lectures personnelles des élèves interrogés afin d’en établir le corpus. Celui-ci permet de mesurer l’impact de la culture des écrans sur leurs choix de livres. Le deuxième aspect questionné est celui de la lecture et de la réception des œuvres patrimoniales proposées à l’école. En effet, la culture scolaire induit d’autres modes de lecture et des comportements spécifiques face aux livres. Des entretiens avec une douzaine d’élèves permettent de saisir une certaine influence de la culture des écrans sur leur réception des œuvres et leur résistance à la compréhension des textes. Nous proposons d’examiner quelles sont les conséquences de cette culture des écrans : constitue-t-elle un enrichissement ou bien bloque-t-elle l’accès à la culture « savante » que l’école tente de transmettre ? Nous observons un paradoxe de cette culture de l’image : si elle aide les élèves à comprendre et à apprécier un texte, elle est parfois un frein à l’imaginaire. L’apprentissage de la multilecture littéraire à l’école est donc un enjeu majeur pour conjurer une probable fracture culturelle.
À partir d'un corpus d'exemples emblématiques, je me propose ici d'analyser quelques-unes des relations entre les textes et les illustrations dans les manuels d'apprentissage de la lecture. En effet, si de nombreuses études sur ces relations sont disponibles pour les albums dits de jeunesse, il n'en est pas de même pour les manuels scolaires. Or, ces derniers offrent depuis longtemps des hybridations de textes et d'illustrations. Dans un premier temps, à partir de la présentation d'une part des travaux de Moles (1978) et Klinkenberg (2008) et d'autre part d'une typologie reposant sur les relations de redondance, de contrepoint et de complémentarité, je montrerai quelles informations textuelles sont prioritairement prises en charge par les textes, d'une part, et par les illustrations, d'autre part. Un partage s'effectue entre narration et description, particularisation et généralisation. Dans un second temps, j'étudierai les systèmes de valeurs prônés ou repoussés par les manuels pris en exemples au travers de la représentation figurative des ensembles textes/images. Enfin, dans un troisième et dernier temps, je présenterai rapidement un « double » modèle de la compréhension/interprétation des textes en cours d'élaboration.
La mobilisation de la bande dessinée historique comme matrice de savoirs en histoire permet d’incarner concrètement la rencontre de l’enseignement/apprentissage du décodage et de la compréhension multimodale, de la lecture pour apprendre et de la littératie critique. Qui plus est, elle est susceptible de contribuer au développement d’habiletés encore peu maîtrisées chez les élèves du primaire, dont les habiletés liées à la littératie multimodale et critique dans la perspective de l’apprentissage de l’histoire. Cet article présente les observations nées de la mise à l’essai au primaire (étude de cas) d’un dispositif didactique favorisant l’apprentissage par la lecture (Cartier, 2007) en histoire par le recours à la bande dessinée historique. Les premiers résultats obtenus permettent de consolider la viabilité et l’efficacité de ce dispositif sur la compétence en littératie médiatique multimodale (Lebrun et Lacelle, 2011), sur la compétence en littératie critique et sur l’acquisition de savoirs disciplinaires.
Les forums et les blogues possèdent des spécificités contribuant à la production collaborative d’un discours (éventuellement multimodal) sur des lectures tout en offrant l’occasion d’un examen précis des processus à l’œuvre. En contexte scolaire, des échanges asynchrones en ligne ne pourraient-ils pas favoriser le partage des interprétations? Comment entrent-ils en synergie avec des pratiques d’enseignement fondées sur l’objectivation progressive des lectures premières d’œuvres littéraires?
Notre proposition apportera quelques réponses à ces questions en analysant des données collectées sur des forums et des blogues scolaires ouverts pour des lycéens en 2011 et 2012 et dédiés à la lecture de textes littéraires. Dans ces situations exigeantes, les élèves doivent donner, par écrit, une forme scolairement acceptable à leurs interprétations alors même qu’elles se cherchent. Les enseignants tentent d’orienter cet effort, en intervenant en ligne. Nous examinerons d’abord l’évolution des « posts » en « textes de lecture ». Dans « Le roman de la lecture », Alain Trouvé (2004) désigne ainsi les « textes d’élucidation » d’une lecture littéraire, dans lesquels « émotions et affects interfèrent avec les jeux de l’esprit » (p.13). Nous analyserons ensuite les gestes professionnels des enseignants. Nous repèrerons enfin la manière dont élèves et professeurs envisagent la visibilité que ces situations de communication confèrent aux lectures subjectives.
le présent article légitime la production de planches de BD dans le cours de français, en distinguant deux compétences essentielles : le découpage du récit et la mise en page. Il montre que la BD peut modifier le rapport à l’écrit et révéler chez certains élèves des compétences d’écriture narrative que l’on ne soupçonnait pas. L'article jete les bases d'une didactique de la BD sur le versant de la production, et ouvre un champ d'étude nouveau dans le cours de français : celui de la création scénaristique.
L’enseignement de la littérature est généralement caractérisé par des approches traditionnelles qui ne laissent que peu de place aux représentations personnelles des élèves et à la relation subjective qui pourraient servir de tremplin à une plus grande appropriation du littéraire. Or, l’influence de plus en plus grande des modes d’expressions numériques et la prédominance de l’image dans la sphère médiatique nous amènent à considérer la littératie médiatique multimodale (Jewitt, 2008; Kress et Van Leeuwen, 2001; Lebrun, Lacelle et Boutin, 2012) comme une approche favorisant l’appropriation du langage littéraire. Nous proposons d’analyser les effets d’un dispositif didactique qui mise sur la lecture et l’écriture subjectives et qui s’arrime avec les perspectives multimodales dans l’enseignement du français. De plus, ce dispositif est fondé sur le roman graphique. Pour cette recherche, nous avons mis à contribution des observations faites en classe de français au secondaire afin d’analyser des scénarimages (scénarios imagés) et des bandes-annonces produits par les élèves. Ce projet montre que les élèves actuels constituent une génération de sujets qui puisent à toutes les sources pour construire leurs références en lecture et en écriture. Notre recherche montre également que la multimodalité peut jouer un rôle fondamental dans l’appropriation du langage littéraire.
En quoi l’album de jeunesse numérique modifie-t-il l’activité scolaire d’interprétation des textes ? Dans quelle mesure interroge-t-il la notion de lecture distanciée/lecture identificatoire? Nous apporterons des éléments de réponse à ces questions générales en analysant les versions numérique et papier de l’album L’Herbier des fées. Nous nous interrogerons sur le dispositif didactique et notamment technodidactique permettant d’accéder à ces œuvres multimodales et nous nous livrerons à une étude de cas à partir du livre numérique Francis et la souris verte, testé dans une classe de grande section.
Liée à notre espèce fabulatrice, la transmission des histoires de toujours qui innervent le présent, initialement assurée par l’oralité puis, en Occident, par l’écrit et ses interprètes autorisés à l’adresse de ses héritiers, se libère aujourd’hui des coteries pour investir les médias de la modernité en tirant parti de leurs potentialités, avec l’énergie vitale qui la conduisit jadis vers l’écrit où elle fut sanctuarisée.
Cette troisième ère de la culture se déploie en un espace- temps ouvert, le cyberespace, qui englobe jusqu’au public des déshérités à qui elle fait découvrir le plaisir de la lecture comme jeu, jusque-là réservé au seul Lecteur. Le patrimoine, lui-même bousculé par les pratiques de la transfictionnalité, se régénère dans des œuvres multimodales qui repoussent les frontières de la légitimité culturelle.
La narration transmodale est-elle la forme esthétique d’une ère nouvelle de culture partagée ou bien, compte tenu des enjeux financiers, s’agit-il d’une usurpation, d’une « commercialisation » de l’enfance ? Dans un contexte où les valeurs et les références académiques sont, sinon contestées, au moins passablement chahutées, comment enseigner cette nouvelle littératie sans renoncer à la littérature ou s’enfermer dans de nouveaux académismes ?
Au cours de leur formation universitaire, les futurs enseignants en arts plastiques éprouvent souvent des difficultés à intégrer leurs compétences artistiques, médiatiques et pédagogiques dans des projets signifiants pour eux et les élèves. Cette recherche-action collaborative vise à stimuler l’accompagnement de l’art à l’école par le développementd’un dispositif pédagogique multimodal qui intègre ces compétences et facilite la transposition des acquis d’un domaine à l’autre, dont celui de la littérature. Dans le cadre d’un cours de création au baccalauréat, les étudiants sont invités à participer auprojet AmalGAME. Croisement de genres artistiques et médiatiques en enseignement, qui recourt à ce dispositif.
La notion d’amalgame sert de déclencheur à des activités qui favorisent la circulation de l’imaginaire en dehors d’un cadre trop souvent dominé par des préoccupations disciplinaires, en puisantdans les pratiques artistiques actuelles et la création au quotidien.Les résultats montrent l’exploration de stratégies et de formes variées combinant modes, genres et styles (prototypes à la de Vinci, photoroman improvisé, installation multimédia collaborative, etc.), ainsi que l’intégrationde compétences à différents moments de la conduite d’un projet. Cet article décrit la portée multimodale de cette recherche et propose une réflexion quant aux possibilités interdisciplinaires d’un tel dispositif pour la formation.
Le développement d’une littératie multimodale s’est accompagné de l’essor de réflexions didactiques soulignant l’importance de la compétence multimodale comme compétence capable d’améliorer la lecture littéraire et les compétences sémiotiques propres à chaque média abordé. On cherchera à montrer l’intérêt d’une telle combinaison à partir d’un dispositif associant des multitextes en apparence très différents (soit une œuvre littéraire, une bande dessinée et un extrait de série télévisée consacrés à des personnages, des histoires et des univers distincts). Celui-ci a été élaboré dans le cadre d’une activité de formation continuée d’enseignants de français du secondaire (Belgique). Il a été testé et co-construit par les enseignants. Les résultats de cette expérimentation tendent à confirmer l’importance de la compétence multimodale pour le développement de compétences propres à la lecture littéraire.