Monique Lebrun, Nathalie Lacelle et Jean-François Boutin
R2-LMM - Vol.8. AOÛT 2018
La Revue de Recherches en LMM se veut un lieu de rassemblement des voix de toutes les disciplines qui s’intéressent à la multimodalité : l’éducation, la didactique, la linguistique, la sémiotique, l’éducation aux médias, les communications, les arts visuels et médiatiques, la littérature, le théâtre, le cinéma, la musique, l’univers social, les sciences de l’information, les technologies éducatives.
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International Standard Serial Number
ISSN 2368-9242
R2-LMM - Vol.8. AOÛT 2018
Dispositifs numériques pour l'enseignement de la littérature
Lieu de publication: Montréal
Éditeur: Groupe de recherche en littératie médiatique multimodale
Date: août 2018
Périodicité: bi-annuel
Numéro ISSN: 2368-9242
Vous pouvez consulter les articles publiés dans ce numéro à partir des thèmes suivants :
- Littérature de jeunesse, à l’ère numérique
- Pratiques extrascolaires à la rescousse
- Revitalisation de l’enseignement du patrimoine littéraire
- Expérimentations en classe et dans le domaine de l’édition
Vol. 8 | 2018 (août)
L’article qui suit est issu d’un entretien entre Nathalie Brillant-Rannou et des coordinatrices de l’édition enrichie de La Croisade des enfants de Marcel Schwob. Le groupe « Lectures et médiations numériques » (EA CELLAM, Université Rennes 2) a engagé une recherche-action reposant sur la conception d’un livre au format ePub3 à partir de ce récit du XIXe siècle, en collaboration avec le studio L’Apprimerie. Cet ouvrage enrichi est appelé à faire l’objet d’une étude de réception dans un second volet du projet. À travers cette démarche, il s’agit de voir dans quelle mesure la remédiatisation d’une œuvre littéraire est à même d’en favoriser l’appropriation en décloisonnant les horizons d’attente et les habitudes de lecture. Les contenus émergents que constituent les livres numériques enrichis invitent en effet à dépasser les oppositions binaires écran-papier et lecture linéaire-lecture délinéarisée. Les œuvres patrimoniales remédiatisées qui intègrent de l’hypertexte et des contenus multimédias ouvrent des pistes de réflexion spécifiques au sein de cet ensemble. Cet entretien porte sur les choix éditoriaux effectués et sur les hypothèses de réception qui les ont sous-tendus, particulièrement en termes de compétences de lecture et d’enjeux de patrimonialisation.
Cet article s’inscrit dans le champ de la didactique de la littérature de jeunesse et observe la qualité des ressources numériques mises à la disposition du corps enseignant, en quête de matériau pour construire une séquence d’enseignement. Deux prises de données guident notre propos : un questionnaire qui met en lumière les représentations d’enseignants en formation relativement à leurs connaissances en littérature de jeunesse, à leurs compétences didactiques et à leur recours aux ressources numériques, puis une exploration des ressources numériques potentiellement utiles pour les enseignants, dont le processus, plus que le résultat, devient le second objet d’étude. Nous terminons par énoncer ce qui constituerait un site didactique, soutenant les pratiques enseignantes.
Le book trailer ou bande-annonce littéraire est un outil publicitaire conçu sur le modèle des bandes-annonces cinématographiques : une brève séquence filmée visant à annoncer et promouvoir un livre. Des enseignants se sont emparés des bandes-annonces littéraires et les ont intégrées aux dispositifs didactiques d’enseignement de la littérature, au service d’objectifs d’enseignement-apprentissage variés. Nous proposons d’examiner ce qu’il advient des textes et des œuvres lus dans les book trailers. Nous formulons l’hypothèse que l’objet détermine en partie la manière dont les élèves y représentent les œuvres littéraires, en raison de sa nature multimodale et numérique résultant d’un processus de transposition intermédiatique, en raison également de son format et de ses fonctions promotionnelles premières. L’analyse des données collectées dans deux classes de lycée en France révèle que les bandes-annonces littéraires entraînent une reconfiguration des textes, qui opère au niveau registral et générique, et oriente leur appropriation et l’expression de cette appropriation vers le spectaculaire.
Les nouvelles technologies constituent un défi que notre école se doit de relever. Dans le cadre de notre projet eZoomBook (eZB), nous créons des livres numériques enrichis, grâce au format eZB, à partir de textes du patrimoine. Ce format de livre numérique permet d’intégrer plusieurs onglets et documents (versions dans différentes langues, résumés, images, documents audio, vidéo, etc.) accessibles de manière quasi instantanée grâce à la fonctionnalité « zoom » du format eZB. Notre objectif relève d’une transmission de patrimoine littéraire en adéquation avec la mission que Hannah Arendt assigne à l’école en inscrivant l’apprenant dans un monde nécessairement plus ancien que lui. En proposant aux élèves l’outil numérique eZB, nous leur donnons, de manière concrète, « les moyens de comprendre et d’organiser la complexité » (Becchetti-Bizot, 2012) et d’intégrer des OSS (Objets Sémiotiques Secondaires) à une construction collaborative.
Nos travaux, en collaboration avec l’Académie de Nantes, rendent compte de l’intérêt d’eZB pour des enseignants du cycle 3 et livrent les résultats de notre expérimentation dans une classe de primaire : l’eZB permet, dans une approche multimodale, de rassembler, d’organiser et de valoriser l’ensemble des activités menées au cours du semestre, tout en préservant la liberté des enseignants qui souhaitent avoir la liberté d’improviser en se fiant à leur intuition de pédagogue (Gladwell, 2005).
La numérisation du patrimoine littéraire et l’avènement d’un nouveau support du livre — la tablette tactile — modifient profondément l’accès aux œuvres et l’expérience de lecture. À partir de l’exemple du livre-application Candide publié par la BnF, la Voltaire Foundation et Orange, cet article propose d’explorer différents aspects du livre enrichi, de la conception aux usages en passant par les figures du lecteur. Ce classique d’un genre nouveau propose une nouvelle approche de l’œuvre littéraire par le biais du multimédia et de la multimodalité, conduisant à une lecture actualisante et à une plus grande implication du « sujet-lecteur ».
Cette contribution interroge les liens entre le livre et l’hypermédia véhiculés par les applications de littérature pour la jeunesse. Analysés au prisme de la remédiatisation et de l’hybridation médiatique, on peut dégager quatre formes d’interaction : l’adaptation, menant du texte imprimé à l’œuvre hypermédiatique (le livre avant) ; le mouvement inverse, (re)conduisant de l’œuvre hypermédiatique à l’objet imprimé (le livre après) ; la co-construction, impliquant le concours d’un livre imprimé et d’une application pour l’élaboration d’une œuvre commune (le livre avec) ; la figuration interne, intégrant des représentations de livres et de lecteurs dans la diégèse (le livre dedans). Deux hypothèses sont notamment interrogées : le lien des hybridations livresques de l’œuvre hypermédiatique à la double destination de toute œuvre pour la jeunesse ; le façonnement d’un imaginaire stéréotypé et rassurant de la lecture, visant à introduire le jeune destinataire, via le numérique, dans l’univers symbolique du livre.
Texte ancien et anciennement présent au sein des lectures scolaires, les fables de La Fontaine bénéficient actuellement d’une nouvelle existence grâce au numérique qui redonne aux textes mêmes de nouvelles allures ou bien propose des dispositifs variés articulant images et sons. Ces nouvelles présentations permettent-elles aux jeunes lecteurs d’aujourd’hui de mieux entrer dans des textes dont la difficulté a été notée depuis longtemps, par exemple par Jean-Jacques Rousseau (1762) ? L’exemple d’une séquence construite à partir de la fable du Loup et l’agneau chantée dans des styles différents, prenant le jugement de goût comme entrée en matière et mise en œuvre par deux enseignantes du premier degré français en fonction des niveaux différents de leur classe, permet d’analyser la manière dont les élèves reçoivent le texte et se l’approprient.
Cet article interroge la place du jeu vidéo dans le cours de littérature en France à partir d’un corpus constitué de programmes officiels, de publications pédagogiques des réseaux Scérén et Canopé (sous la tutelle du ministère français de l’Éducation nationale [MEN]) et du portail national d’informations et de ressources du MEN. Il révèle la très faible présence du jeu vidéo et du jeu sérieux non seulement en littérature, mais plus généralement dans la discipline du français. Nous émettons l’hypothèse que cette faible présence s’explique, en partie, par l’histoire de la discipline et plus généralement par le rapport que l’institution scolaire entretient avec la culture de masse dont relève le jeu vidéo. Le processus de scolarisation des jeux vidéo est en effet similaire à celui de la littérature, du cinéma, de la télévision. Il génère des pratiques scolaires qui privilégient la mise à distance et non l’immersion dans la fiction. La radicale nouveauté du jeu vidéo n’est pas prise en compte, mais ramenée à du connu, à travers des pratiques mettant à distance la fiction, l’image, le jeu.
Cette contribution se propose d’analyser le logiciel réalisé dans le cadre du projet de recherche et développement LINUM. Lire, dire, écrire avec la littérature pour la jeunesse et le numérique (oct. 2014 – oct. 2017). Conçu comme un prototype d’enrichissements didactique et pédagogique pour enseigner et apprendre la lecture littéraire au cycle 3 de l’école primaire française, il permet aussi la constitution de données de recherche par les remontées de traces des activités des élèves comme de l’enseignant dans le cadre d’une expérimentation en classe. LINUM questionne donc à la fois les démarches d’élaboration des ressources numériques et les pratiques effectives d’enseignement et apprentissage dégagées par l’utilisation d’un dispositif didactique numérique en classe de littérature. L’article interroge ces deux aspects pour montrer d’une part en quoi l’élaboration de la ressource LINUM a tenté de modéliser un dispositif didactique pour enseigner la lecture littéraire qui prenne en compte les travaux récents des didacticiens de la littérature ; d’autre part comment les enseignants du panel expérimental se sont emparés de l’outil dans leurs classes. Après avoir défini le cadre théorique didactique et les contraintes technologiques qui ont guidé la conception de l’outil, la ressource sera décrite pour mettre en évidence la manière dont cet objet numérique configure un dispositif d’enseignement de la lecture littéraire. Enfin, une étude de cas fondée sur l’examen des parcours didactiques de deux enseignants expérimentateurs éclairera quelques modalités d’usage scolaire de la ressource pour mieux comprendre comment le numérique peut contribuer à organiser et révéler des pratiques effectives de lecture littéraire à l’école.
La littérature en ligne brouille constamment ses propres frontières. Les contours du carnet de bord, du coup de cœur ou de l’autofiction sont poreux, mais on repère aisément sur Internet des journaux de lecteurs filmés autoproduits. Parallèlement à la vogue du BookTube, canal de promotion du livre motivé par la grande diffusion et le savoir-faire médiatique d’une communauté internationale d’auteurs de vidéos sur YouTube, la vidéo expérimentale de lecteur, que Bonnet qualifie de « littéraTube », tient de l’autoportrait, de la lecture actualisante (Citton, 2007) et de l’interlecture (Bellemin-Noël, 2001). L’analyse qualitative d’un échantillon de vidéos montre comment la lecture s’y scénarise, se fait récit et reconfigure l’énonciation. Incités à produire une vidéo de lecteur, des étudiants de lettres nous fournissent un corpus qui nous permet de nous demander comment la vidéo employée comme expression d’une réception reflète et infléchit l’activité du lecteur. Dès lors, quelle spécificité littéraire peut-on reconnaître à ces productions ?
Cet article se propose de contribuer à l’interrogation sur les genres littéraires numériques et à la réflexion sur les enjeux didactiques de la transposition scolaire de l’un d’entre eux.
Dès les premières expérimentations, l’association entre littérature et ordinateur a suscité de l’enthousiasme, mais aussi des critiques. Plus récemment, un désenchantement s’est emparé de beaucoup d’auteurs et de lecteurs face à l’emprise qu’exercent les grandes firmes industrielles sur la création et la lecture numériques. L’objectif de l’exploration archéologique que je propose est de prendre du recul face aux idéologies qui traversent les discours catastrophistes, tout comme les discours enchantés. Je passerai en revue des étapes clés de la relation entre littérature et ordinateur, en m’intéressant à différentes formes littéraires écrites et publiées sur ce dispositif. Tout au long de cette exploration, je présenterai des expérimentations historiques et contemporaines qui tiennent compte des évidences et des impensés de cette relation complexe et dessinent des pistes d’exploration pédagogiques tenant compte des potentiels et des champs de tensions.
Étude de cas détaillant la réalité des choix artistiques éditoriaux opérés sur une œuvre poétique, Kalces de Florence Jou, Margaux Meurisse et Samuel Jan, en fonction de ses supports (papier, numérique, web). Présentation par l'éditeur des différentes étapes ayant conduit à la conception du livre dans toutes ses versions.