Anne Cordier, Maîtresse de Conférences en Sciences de l’Information et de la Communication, UMR 6590 ESO, Université de Rouen Normandie
R2-LMM - Vol.4. DÉCEMBRE 2016
La Revue de Recherches en LMM se veut un lieu de rassemblement des voix de toutes les disciplines qui s’intéressent à la multimodalité : l’éducation, la didactique, la linguistique, la sémiotique, l’éducation aux médias, les communications, les arts visuels et médiatiques, la littérature, le théâtre, le cinéma, la musique, l’univers social, les sciences de l’information, les technologies éducatives.
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International Standard Serial Number
ISSN 2368-9242
Littéracies informationnelles et médiatiques au prisme du genre
Lieu de publication: Montréal
Éditeur: Groupe de recherche en littératie médiatique multimodale
Date: décembre 2016
Périodicité: bi-annuel
Numéro ISSN: 2368-9242
Vous pouvez consulter les articles publiés dans ce numéro à partir des thèmes suivants :
- La construction du sujet
- Les pratiques et compétences (trans-) littéraciques
- La conception de dispositifs info-communicationnels
Vol. 4 | 2016 (décembre)
Cet article se propose de ré-interroger la notion de communauté de fans en injectant une composante genrée à l’analyse. Nous avons choisi d’analyser les pratiques de fans de deux séries de super-héros, The Flash et Arrow, parce que ces séries, de par leur genre et selon une croyance stéréotypée, attirent plus un public masculin. Nous cherchons donc à savoir comment les publics se saisissent de ce matériau et en retirent des compétences particulières. Nous avons ainsi publié un questionnaire en ligne et reçu 91 réponses dont 73 de fans femmes, puis nous avons participé à la communauté de pratiques dans une position d’observation participante (live-tweet, entre autres). Il en ressort que l’appartenance à la communauté est primordiale, dans un lieu qui fait office de refuge, et que les compétences acquises sont ré-investies dans le travail ou à l’école.
Nous nous intéressons ici à la place du genre dans les pratiques translittéraciques juvéniles, au sein d’un environnement informationnel mettant en jeu les imaginaires des acteurs en matière d’information et de communication, et la valeur attribuée aux objets et outils info-communicationnels. Nous analyserons tout d’abord l’impact du genre sur les conditions d’usages des outils numériques en contextes formel et non formel. Nous interrogerons ensuite les sentiments d’expertise en matière d’utilisation du numérique au prisme du genre. Enfin, nous adopterons une focale sur la figure dugeek, laquelle nous renseigne grandement sur les perceptions genrées de l’appétence adolescente pour le numérique, et permet au-delà de pointer des risques d’inégalités liées aux appréhensions genrées.
Le jeune, qu’on le nomme ado, préado, ou jeune adulte, constitue une catégorie instable que les langages d’indexation et les acteurs du monde du livre entreprennent de définir, notamment à travers ses pratiques de lecture. L’étude croisée du discours documentaire (en l’occurrence, le langage RAMEAU et la classification CLIL) et de celui des maisons d’édition permet de cerner les contours de la figure adoulescente et de questionner le genre, aussi bien social que littéraire. On observe in fine un marquage sexuel, à la fois dans la définition de son identité et dans la structuration de l’offre éditoriale jeunesse.
Nous poursuivons une première étude menée auprès de lycéens raccrocheurs, en interrogeant cette fois les distinctions de genre dans l’identification de compétences littéraciques en production. Le recueil de données associe discours — des élèves, des enseignants, de l’écrivain en résidence — et pratiques rédactionnelles, selon des dispositifs comparés qui font ou non intervenir le numérique. L’étude, qui mobilise un arrière-plan théorique élaboré au fil de travaux antérieurs, met en évidence chez ces élèves un rapport à l’écriture qui bénéficie du « déjà-là » de pratiques non scolaires. Les stéréotypes filles/garçons dans les représentations et les textes produits se révèlent bien moins présents dans les dispositifs scolaires sollicitant une écriture créative que dans ceux qui se rapprochent de l’opération de lecture demandée dans les écrits académiques.
Les changements sociaux et éducatifs portés par des mutations profondes des systèmes d’information et de communication ont engendré d’importantes remises en cause des courants d’études des littéracies « classiques ». Savoir lire, écrire et compter, dans un environnement numérisé et convergent où les pratiques de lecture, d’écriture et de numération sont complexifiées, ne signifient plus la même chose. Au sein de pratiques info-communicationnelles enrichies, les littéracies tentent donc de se redéfinir. Ce sont ces modifications de compétences que le courant de la translittéracie tente de cerner et d’accompagner. Au sein de celles-ci, les problématiques sociales récurrentes, et parfois croisées, continuent de se poser, souvent sous des formes nouvelles. L’ambition de ce numéro est alors de rendre visibles les ressorts sexués qui sous-tendent les pratiques translittéraciques, de mettre à jour les attitudes et comportements tellement incorporés qu’ils ne sont pris en compte ni par les enseignants ni par les parents et qu’ils paraissent « naturels » aux jeunes eux-mêmes. L’entreprise de production de connaissances balaie un large spectre d’objets selon des points de vue disciplinaires variés pour éclairer le champ complexe des pratiques translittéraciques.
Présenter l’école comme un univers à part est un raisonnement largement répandu et qui s’est épanoui à la faveur du mythe de la neutralité scolaire alimentant une sorte d’aveuglement collectif. La loi de mixité scolaire a été vécue comme une fin en soi alors que les cadres institutionnels ne garantissent pas le déroulement égalitaire des scolarités. Or il n’est pas tenable de placer l’école en-dehors du système de fabrication des rapports sociaux de sexes qui s’exercent continûment dans toutes les sphères de la vie sociale. Une des premières manifestations du sexisme de l’école consiste à ignorer les inégalités d’orientation selon les filières sous couvert de neutralité. Ne pas les prendre en charge privilégie l’idéologie du libre choix des individus laquelle fabrique dans les faits les inégalités sexuées à l’ombre d’une mixité de façade.
Les tablettes tactiles, par leur approche simple et leur expansion massive, pourraient être l’outil numérique échappant à un étiquetage lié aux stéréotypes genrés associant « technologies numériques » et masculin. L’analyse du discours de professeur.e.s des écoles sur leurs représentations et leurs pratiques en classe révèlent une pensée essentialiste et une adhésion aux stéréotypes déjà à l’œuvre, reproduisant une hiérarchie sexuée à l’école primaire, avec plus d’hommes concernés par les tablettes et des représentations différenciées entre « observation » pour les femmes et « action » pour les hommes. Cette recherche confirme la nécessité de penser la formation initiale et continue des enseignant.e.s quant aux stéréotypes genrés et les processus de transmissions, pour que les problématiques translittéraciques en plein essor ne soient pas marquées par deux pensées essentialistes majeures que sont le sexe et l’âge.
Dans cet article, nous nous intéressons à la place du genre dans les pratiques translittéraciques informelles des jeunes. Nous examinons la réception/création de productions culturelles par des adolescentes et des adolescents à l’aide de la métaphore du mixage de cultures et des concepts d’hybridation et de multimodalité. Notre objectif est de répertorier et d’analyser les pratiques de création de ces jeunes en tenant compte de l’identification ou non à un genre. Pour cela, nous avons procédé à une enquête auprès de 200 adolescents et à une étude de cas. Les résultatspréliminaires démontrent que les intérêts, les pratiques et les compétences des jeunes s’insèrent et se modulent dans une série de continuums.Nous concluons sur la nécessité de penser égalementle genre comme une continuité sur une échelle de valeurs graduée plutôt qu’une polarité entre deux états opposés, tout en cernant le statut de création des productions culturelles des jeunes.
À l’aide de deux enquêtes ethnographiques, l’article montre comment la construction sociale de la lecture est genrée. Par les représentations concurrentes et exclusives que cette construction sociale normative impose, elle écrase la figure du lecteur homme et, encore plus en amont, la figure du lecteur garçon (adolescent et jeune). En milieu rural comme dans le quartier de la banlieue défavorisée urbaine, l’image et le discours sur la lecture sont réservés aux filles, et les rares garçons et hommes lecteurs, catégorisés comme artistes, intellectuels ou militants, doivent trouver des stratégies d’esquive, de déguisement et d’instrumentalisation de la lecture pour pouvoir afficher cet état ; car, tout comme en milieu rural, la solitude choisie est un comportement connoté au féminin. Alors, à quelle culture l’acte de lecture renvoie-t-il les garçons/hommes ?
Les jeunes ont fréquemment recours à Wikipédia, mais la confiance qu’ils accordent à cette encyclopédie collaborative n’est pas optimale et sa réputation demeure controversée. Les filles/femmes font-elles preuve d’une plus grande défiance vis-à-vis de cette source si particulière ? D’après le modèle de sélectivité, elles seraient plus sensibles aux risques informationnels et plus prudentes dans leur démarche évaluative. L’enquête par questionnaire menée auprès de 841 jeunes âgés de 11 à 25 ans montre l’existence de différences genrées à propos de la confiance épistémique en Wikipédia, de la sensibilité à sa réputation et des connaissances informationnelles à son sujet. Néanmoins, la prise en compte du niveau de scolarité amène à nuancer l’influence du genre sur le rapport à cette source.
Cet article présente un projet d’exposition, élaboré à partir de travaux de recherches’inscrivant dans une perspective transmédia, développé en 2011, ayant pour thème les inégalités sociales et sexuées à l’école. Nous évoquerons ici la logique de médiation scientifique qui le structure (valorisation des fonds du musée, référence à des travaux de recherche, accompagnement pédagogique), le parcours de cette exposition, constitué à partir de plusieurs éléments narratifs, et les apports pour le public.